Édition du lundi 18 septembre 2017
Philippe Laurent : « Les questions qui préoccupent le plus les employeurs territoriaux ne sont pas forcément celles traitées par le gouvernement »
© P. Crochard
Comment interprétez-vous les annonces du gouvernement en matière de fonction publique ?
Il y a eu des annonces, des rétractations, des hésitations et l'on ne sait pas encore vraiment ce que veut faire le président de la République en matière de fonction publique. Ce qui est clair, c'est la volonté de traiter les agents publics de manière comparable aux salariés du privé. Aujourd'hui, concrètement, nous sommes dans une phase de discussion s'agissant du report de l'application du protocole PPCR (Parcours professionnels, carrières et rémunérations) et de la compensation de la hausse de la CSG.
Quelle est votre position sur la hausse de la CSG ?
On peut comprendre que les agents publics soient aussi concernés par cette réforme. Mais les employeurs publics territoriaux ne peuvent que refuser un système où il n'y aurait pas de compensation intégrale pour les agents et pour les collectivités, comme cela se passe dans les entreprises. Cette compensation pourrait prendre la forme d'une prime différentielle. Quand on sait que la majorité des agents gagnent le Smic ou à peine plus, on ne peut pas admettre que leur pouvoir d'achat soit diminué. Ce ne serait pas décent. On peut comprendre certains choix fiscaux de l'Etat, mais en tant que gestionnaires locaux, nous ne voulons pas en assumer les conséquences. Une nouvelle réunion est prévue le 26 septembre avec le ministère de l'Action et des Comptes publics à laquelle participeront les employeurs territoriaux.
Quels sont les autres sujets qui préoccupent le plus les employeurs territoriaux?
Les questions qui nous préoccupent le plus ne sont pas forcément celles traitées actuellement par le gouvernement. Ce qui nous préoccupe à moyen terme, c'est l'attractivité de la territoriale et le maintien de sa spécificité, les questions liées à la formation des agents tout au long de leur carrière, à leur reconversion, au temps de travail ou à l'augmentation très importante des maladies professionnelles…
La décorrélation du point d'indice vous paraît-elle une menace pour la fonction publique ?
La décorrélation du point d'indice entre les trois versants de la fonction publique peut conduire à l'éclatement de la fonction publique. La territoriale n'y résisterait certainement pas. Ce serait, en outre, une extraordinaire perte de temps et d'énergie parce qu'il faudrait immédiatement reconstruire une nouvelle branche professionnelle et des conventions collectives pour les personnels des collectivités. Si le statut vole en éclats, il faudra bien inventer autre chose, un cadre sera toujours nécessaire.
Quel sera le rôle des employeurs au sein du Grand forum du service public?
Il y aura un peu partout des grands raouts organisés à la discrétion des préfets, voire des employeurs territoriaux s'ils le souhaitent… Il est également prévu des consultations par Internet. On ne peut pas être opposés à ces initiatives, mais c'est quelque chose que nous avons déjà vu, notamment avec Annick Girardin, la précédente ministre de la Fonction publique. Nous allons bien sûr participer, mais je n'attends pas grand-chose de ce Grand forum, même si les employeurs publics pourront y poser des questions sur des sujets concrets, comme le management ou le temps de travail.
La réinstauration du jour de carence devrait figurer dans le projet de loi de finance. Qu'en pensez-vous ?
A un moment donné, le gouvernement voulait interdire à l'employeur territorial qui le souhaitait de mettre en place un système de mutuelle ou autre pour compenser le jour de carence, comme cela se passe dans le privé. A présent, le gouvernement veut remettre en place le jour de carence mais il n'interdit plus une éventuelle compensation. Donc, cela va probablement créer encore quelques inégalités au sein même de la fonction publique. Certains employeurs de la territoriale vont compenser la carence, d'autres pas.
Quelles conséquences la baisse des contrats aidés a-t-elle au sein des collectivités ?
Il y a à peu près 100 000 contrats aidés dans les collectivités, 100 000 pour l'Etat et 100 000 dans les associations. Le système a été mis en place avec une pression très forte des préfets sur tout le monde, notamment sur les collectivités. A partir du moment où ces contrats ont été créés, ils sont devenus une ressource humaine importante pour certaines collectivités. Bien sûr, cela ne représente pas 100 % de retour à l'emploi et il est vrai que les contrats aidés ont pu constituer un palliatif à la création d'emplois permanents. Que le dispositif puisse être revu, nous sommes tout à fait d'accord, mais aujourd'hui cela est fait d'une manière extrêmement brutale. Nous souhaitons faire un moratoire sur les emplois aidés dans les semaines qui viennent. Après, il faudra que les collectivités territoriales, les associations et les ministres concernés se revoient… Cette idée de moratoire, elle fait son chemin.
Propos recueillis par Emmanuelle Quémard
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